Publication – "Le Cinéma Chinois d’Animation des Origines à 1989"


Publication: “Le Cinéma Chinois d’Animation des Origines à 1989” (in French)
Université Paris 7
Under the direction of Mr. Hervé JOUBERT-LAURENCIN
With the cooperation of Ms. Marie-Claire KUO (Quiquemelle), Founder of CDCC Paris
Date: 2005.06

26 Attendons demain (1)
I. Le film d’animation chinois avant 1957

1. L’époque des frères WAN

Le 28 décembre 1895, dans un café parisien, les frères Lumière projettent le premier film de cinéma. On peut dire que le septième art vient de naître.
Un an plus tard, un Français montre un court métrage lors d’un spectacle d’attraction au Jardin Xu à Shanghai et neuf ans après, en 1905, le photographe REN Qingtai 任庆泰 filme le grand acteur d’opéra de Pékin TAN Xinpei 谭鑫培 dans une scène de « La Prise du Mont Jun » (Ding Jun Shan 定军山). Ce document aujourd’hui perdu est considéré comme le premier film chinois.

Shanghai, au début des années 20 est une grande métropole cosmopolite au fait de toutes les nouveautés, où le cinéma attire un large public. Mais le cinéma chinois est encore très jeune et la plupart des films projetés sont étrangers. C’est à ce moment-là que les frères Wan arrivent de Nankin.

Frères Wan
WAN Laiming 万籁鸣 (1899 – 1997) et ses frères : WAN Guchan 万古蟾 (1899 – 1995) et WAN Chaochen 万超尘 (1906 – 1992) impressionnés par les dessins animés américains projetés alors à Shanghai (appelés cartoon) décident qu’un jour ils feront des cartoons chinois mais ils sont dans une situation très difficile : sans argent, sans documentation, sans équipement ni matériel, n’ayant que leurs rêves et leur volonté de les réaliser.
En s’inspirant à la fois de formes d’animation traditionnelles en Chine comme de « la lanterne des chevaux au galop 走马灯 »*, ou le théâtre d’ombres chinoises (En Chine, les « ombres chinoises » apparaissent à l’époque de la puissante dynastie Tang 唐), et avec l’exemple des cartoons américains, dont ils parviennent à trouver le secret, ils réussissent à réaliser eux-mêmes des dessins animés, devenant ainsi les pionniers du film d’animation chinois…

La Princesse.... Archives CDCCDès 1922, et jusqu’en 1941, les frères WAN ont fabriqué de nombreux courts métrages (environs 30). Ces films touchent à divers genres, avec un dessin animé publicitaire « La machine à écrire le chinois de SHU Zhendong » (1922), deux dessins animés inspirés de Max Fleischer : « Tumulte dans l’atelier » (1926) et « La révolte des silhouettes de papier » (1930), des contes, des fables et des caricatures patriotiques : «Compatriote réveille-toi » (1931), «Le prix du sang » (1934). Leur technique a rapidement évolué évolué et leur premier film parlant « La danse du chameau » date de 1935. Après la sortie en Chine du dessin animé de Walt Disney « Blanche Neige ». Les frères WAN réalisent, en noir et blanc, le premier dessin animé chinois de long métrage: «La Princesse à l’éventail de fer» (1941). Jusqu’en 1947, ils sont pratiquement les seuls à avoir réalisé des films d’animation en Chine. Par la suite, à partir des années 50, ces pionniers ont largement contribué au développement du cinéma d’animation de la « Nouvelle Chine » au sein des studios d’animation de Shanghai: WAN Laiming en travaillant au département des dessins animés, WAN Guchan au département des découpages articulés, et WAN Chaochen au département des poupées.

2.Les fondements du film d’animation chinois

Pendant la seconde guerre mondiale, la création et la production des films d’animation s’arrêtent pendant un certain temps. Il faut attendre la naissance de la République Populaire de Chine pour que soit créé la première équipe d’animation chinoise au sein du Studio du Nord-Est. Cette équipe réalise deux films : « Attraper la tortue dans la jarre » (FANG Ming, 1948), un dessin animé et « Le rêve de l’empereur » (CHEN Bo’er, 1948), un film de poupées.

En juillet 1949, le groupe du film d’animation devient un département du Studio du Nord-Est ; le caricaturiste TE Wei venu de HongKong est nommé directeur, le département compte une vingtaine de personnes. En mars 1950, le département est déplacé à Shanghai considéré comme la grande métropole de la production des films avant la guerre. L’équipe est intégrée dans les Studios de Shanghai. TE Wei en est toujours le directeur. A partir de ce moment-là l’équipe initiale recrute des écrivains de littérature enfantine comme BAO Lei, des peintres comme LEI Yu et des jeunes issus des écoles littéraires et artistiques. Au milieu des années 50, WAN Laiming et WAN Guchan, reviennent de Hongkong pour participer au travail. Leur cadet WAN Chaochen fait déjà partir de l’équipe.

Pendant sept ans, de 1950 à 1957, l’équipe produit divers styles de film d’animation, par exemple des dessins animés : « Des bons amis » (TE Wei, 1954), « Pourquoi le corbeau est noir » (QIAN Jiajun, 1955), « Le Général fanfaron » (TE Wei, 1956) et des films de poupées animées comme « Le Pinceau magique » (JIN Xi, 1955). Le film d’animation chinois se développe rapidement à cette époque et beaucoup de films gagnent des prix nationaux et internationaux. Il faut noter le film « Le Général fanfaron » qui pour la première fois présente un dessin animé de style chinois.

En raison du caractère particulier du cinéma d’animation, il devient bientôt nécessaire de trouver un lieu indépendant pour abriter la production. C’est pour cela que le gouvernement décide de construire un nouveau studio spécialisé. Ainsi le 1er Avril 1957, Les Studios d’Art de Shanghai sont crées. Ce premier studio d’animation chinois va faire rayonner dans le monde entier des films d’animation emprunts de l’esprit chinois et représentatifs de l’originalité de ses formes artistiques.

II. Les Studios d’Art de Shanghai (1957-1989)

L’établissement des Studios d’Art de Shanghai le 1er Avril 1957, donne son indépendance au cinéma d’animation de la « Nouvelle Chine ». Jusque-là, il n’y avait que des dessins animés et des poupées animées, mais à partir de 1958, les studios commencent à produire des découpages articulés sous la direction de WAN Guchan (frère jumeau de WAN Laiming).

La même année, la réussite du premier film de papier découpé articulé « ZHU Bajie mange la pastèque » (WAN Guchan, 1958) est un succès. C’est une oeuvre pleine d’humour qui mélange le papier découpé, la musique d’opéra de Pékin et la technique des ombres chinoises.

Un brocart ZhuangPendant les années 1957 – 1959, les Studios d’Art de Shanghai ont produit 45 films [1]. A cette époque, la technique artistique est très avancée, les styles et les thèmes sont très diversifiés. Par exemple, il y a un conte pour enfant : « Le Roi de la forêt » (Collectif, 1959), un film d’animation influencé par l’actualité: « les Aventures des petites carpes » (HE Yumen, 1958), ou par la politique « Rattraper l’Angleterre » (XU Jingda ‘Ah Da’, 1958). Il y a les histoires tirés de la tradition : « Un Brocart Zhuang » (QIAN Jiajun, 1958), “Traverser la montagne des singes » (WANG Shuchen, 1958), mais le film le plus célèbre est sans conteste « Les Têtards à la recherche de leur maman » (TE Wei, 1960) premier « lavis animé » dans le style de la peinture du grand QI Baishi.… C’est ainsi qu’en accord avec l a politique éducative prônée par le gouvernement, les films d’animation chinois ont cherché à se dégager des modèles venus de l’étranger et ont progressivement développé leur propre style.

De 1960 à 1965, pendant la période précédant la Révolution Culturelle 文化大革命, les Studios d’Art de Shanghai ont produit 56 films*. C’est un âge d’or pour le film d’animation chinois. Les hommes et le niveau des techniques se sont beaucoup développés et offrent aux Studios d’Art de Shanghai une grande période d’épanouissement, avec des dessinateurs expérimentés depuis les années 20, comme WAN Laiming, et WAN Guchan, des dessinateurs en pleine activité avec un fort potentiel d’imagination: QIAN Jiajun, TE Wei, HE Yumen, ZHANG Songlin, TANG Cheng qui sont entrés dans ce domaine au début des années 50. On trouve aussi des jeunes pleins de talent comme XU Jingda (Ah Da), PU Jiaxiang, DAI Tielang etc. qui viennent d’être diplômés. Toutes ces personnes concourent au développement des studios.

Le Roi des singesLe style national chinois apparaît comme essentiel. Grâce à leur beauté et à leur technique originale, plusieurs films sont célébrés dans le monde entier jusqu’à nos jours. Par exemple: le long métrage en deux parties : « Le Roi des singes bouleverse le palais céleste» (1961,1964), ou les deux courts métrages de lavis animé « Les Têtards à la recherche de leur maman”,«La Flûte du bouvier » (1962), etc.

La Flûte du bouvierLes sources d’inspiration du film d’animation sont nombreuses : la mythologie : « Le Roi des singes bouleverse le palais céleste» (1961,1964); les contes pour enfants : « Les Têtards à la recherche de leur maman » (1960), « les Petites Hirondelles », « Qui est le meilleur ? »(ZHANG Songlin, 1961), « La Flûte du bouvier » (1963); les faits d’actualité: « Pas-de-tête et Jamais-content » (ZHANG Songlin, 1962), « Les Petites Sœurs de la steppe » (QIAN Yunda, 1965), et aussi les caricatures politiques et les pièces satiriques : « Un rêve d’or » (WANG Shuchen, 1960)etc.

D’autre part des styles nouveaux sont inventés comme le lavis animé, une méthode de fabrication de dessin animé qui diffère totalement du « dessin à contour simple avec couleur unifiée 单线平涂». A tout point de vue, c’est une époque inoubliable, beaucoup de films reçoivent des prix internationaux, «le style original du film d’animation chinois » est enfin reconnu dans le monde.

Ensuite c’est la longue période triste de la Révolution Culturelle. Toutes les activités sont surveillées, le cinéma est censuré, beaucoup de films d’animation sont critiqués. Par exemple : on dit que « Le Général fanfaron » est une critique contre « les dirigeants », on dit que « Le Roi des singes bouleverse le palais céleste » a un goût de féodalité, on dit que « La Flûte du bouvier » montre une vie trop idyllique et ne reflète pas la lutte les classes, on dit que « Le Pinceau magique » est une histoire liée aux superstitions de la religion populaire et que ce film endort la conscience du public…

Pendant le Révolution culturelle, très peu de films sont réalisés (De 1966 à 1971, les Studios d’Art de Shanghai sont fermés, il n’y a aucun film. De 1972 à 1976, ils ne produisent que 16 films,), et encore moins sont montrés. Seul les films politiques sont autorisés. Aujourd’hui ils ont disparu à leur tour et il est très rare de pouvoir les voir.

La « Révolution Culturelle » dure jusqu’à ce que la « Bande des Quatre 四人帮 » soit jugée et condamnée en octobre 1976. Alors, l’art et la littérature réapparaissent à travers des oeuvres libres et délivrés de la censure politique. A nouveau, l’activité du cinéma se met à prospérer.

C’est dans ce contexte historique qu’à partir de 1977, les dessinateurs se libèrent de leurs craintes et se remettent à créer ; ils redécouvrent les caractères propres à l’animation chinoise, et ils recherchent à nouveau leur propre style. Comme à cette époque, l’influence de la télévision est encore relativement réduite, ces conditions constituent un environnement parfait pour la création de nouvelles œuvres au sein des trois départements des Studios d’Art de Shanghai : dessins animés, découpages articulés et poupées animés.

e 1977 à 1989, c’est une véritable renaissance des Studios d’Art de Shanghai qui produisent (179) films d’une grande diversité.

Wang Shuchen story boardNezha, poissons musiciensPar exemple il y a des films s’inspirant de la mythologie : « Nezha triomphe du roi dragon »(XU Jingda ‘Ah Da’, WAN Shuchen, YAN Dingxian, 1979), « Le Cerf aux 9 couleurs » ( QIAN Jiajun, 1981), « Le Fruit du Ginseng » ( YAN Dingxian, 1981), « La Légende du livre céleste » ( WANG Shuchen, QIAN Yunda, 1983).

On trouve aussi des contes issus de cultures minoritaires : « Xia au grand cœur » (HE Yumen, 1981), d’après une légende de la nationalité Ouigoure 维吾尔(au Xinjiang) ou bien « La Source aux papillons» (XU Jingda ‘Ah Da’, 1984) d’après un conte de la nationalité Bai (au Yunnan); des histoires enfantines : «“Mi Mi”, un bon chat » (HE Yumen, 1979), «Le Coq noir» (PU Jiaxiang, 1980), « Le Loup invite à dîner » (YAN Shanchun, 1980), « Le Bonhomme de neige» ( LIN Wenxiao, 1980), «Le Tigre apprend un métier» (JIAO Yesong, 1982); des sujets d’actualité : «Un Eléphant peu ressemblant» (TANG Cheng, WU Qiang, 1978), «Une nuit de la galerie de peintures» (XU Jingda ‘Ah Da’, LIN Wenxiao, 1978), «Trois moines» (XU Jingda ‘Ah Da’, 1980), «Les Vagabondages de San Mao» (XU Jingda ‘Ah Da’, 1984); et aussi «Mon ami le petit dauphin» (TAI Tielang, 1980) qui introduit pour la première fois un thème d’éducation scientifique.

Les trois moinesParmi ces oeuvres, les films «Nezha triomphe du roi dragon », «Trois moines», «La Légende du livre céleste» ont un caractère chinois évident ; «Nezha triomphe du roi dragon » est une pièce du théâtre traditionnel chanté; «Trois moines» est tiré d’un vieil adage, il utilise le rythme rapide de l’art moderne mis au service de la philosophie et du savoir-vivre chinois ; «La Légende du livre céleste» est tiré d’un conte à caractère comique.

Par ailleurs, le film «“Mi Mi”, un bon chat » adopte le style de l’encre lourde et de la couleur forte, celui des « Estampes du nouvel An du Shandong 山东年画 » et du « Bonhomme de neige» utilise la couleur légère, comme une aquarelle poétique ; «Xia au grand cœur » se réfère aux fresques du Xinjiang ; «Le Cerf aux neuf couleurs» présente un conte bouddhique et s’inspire des célèbres « Fresques de Dunhuang 敦煌壁画» dans lesquelles on trouve les premières formes de la peinture classique chinoise.

Grâce à la volonté de mettre en place un cinéma d’animation de caractère national, grâce à cette conscience créative, beaucoup de films d’animation obtiennent des prix nationaux et internationaux, et l’animation chinoise devient célèbre dans le monde. En même temps, grâce aux réussites de cet art créatif, la technique et la théorie des films d’animation se sont amplement développées pendant cette période.

Le Roi des singes, WAN Laiming 1961-1964, Archives CDCCA partir des années 80, les Studio d’Art de Shanghai n’ont plus le monopole de l’animation, d’autres studios sont créés, donnant une impressionnante vitalité au cinéma d’animation dans les grandes villes pour le plus grand plaisir de la population.

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Ce texte est extrait du mémoire de maîtrise soutenu par Siqing CHEN en 2005 à l’université Paris 7, sous la direction de M. Hervé Joubert-Laurencin.

« la lanterne des chevaux au galop » : datant de la dynastie Song 宋 (960 à 1279) est considérée comme un lointain ancêtre du film d’animation. Il s’agissait de grandes lanternes rondes à l’intérieur desquelles se trouvait une sorte de manège avec des personnages à cheval découpés dans du papier. Sous les personnages étaient placées des bougies allumées, qui par leur chaleur faisaient tourner le manège, on avait alors l’impression que les chevaux couraient.

[1] Cf. 中国电影资料馆,中国艺术研究院电影研究所, « 中国艺术影片编目 1949-1979 »,文化艺术出版社,1981,北京, [1960 :16(films) ; 1961 :3 ; 1962 :9 ; 1963 :5 ; 1964 :12 ; 1965 :11 ; 1966-1971 :0 ; 1972 :2 ; 1973 :3 ; 1974 :3 ; 1975 :3 ; 1976 :5 ; 1977 :6 ; 1978 :10 ; 1979 :10 ;1980 :16 ;1981 :12 ;1982 :17 ;1983 :15 ;1984 :14 ;1985 :13 ;1986 :12 ;1987 :11 ;1988 :27 ;1989 :16]

2 thoughts on “Publication – "Le Cinéma Chinois d’Animation des Origines à 1989"

  1. Merci de votre visite, Moea.

    Votre lien est vraiment intéressant. J'adore ce gence de calligraphie en mélangeant la nouvelle technologie.

    Amicalement !

    Siqing

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  2. Bonjour,

    Devant votre travail sur le cinéma d'animation chinois, je me suis “écrabouillée” par le gong rebondissant de la honte.

    Jetez un oeil sur ce lien: comme vous appréciez la calligraphie, je pense que cela devrait vous plaire. C'est ce que je suis dit quand je l'ai vu à une projection du SIGGRAPH à Paris.

    UNIQLO Japan Exhibition Short Film SEED (01:15)
    An animation short film for UNIQLO's Japan exhibition at World Economic Forum in 2009. Calligraphy by Soun Takeda. Directed by Kosai Sekine. Animation by Tangram. http://www.youtube.com/watch?v=O_4ZdcHVUc0

    Sur ce, je vous souhaite une Bonne et Heureuse Année 2010 et plein de Bonheur à partager en compagnie de ceux que vous aimez.

    Amicalement,

    Moea

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